Une vague de nouvelles commandes revitalise les chantiers navals
16 octobre 2025
- L’intensification de la concurrence géopolitique relance les chantiers navals après des années de consolidation.
- Les principaux constructeurs de navires de guerre ont des carnets de commandes bien remplis, ce qui leur donne la certitude de pouvoir se développer.
- Toutefois, il peut s’avérer difficile de passer à l’échelle supérieure assez rapidement pour honorer les commandes.
Principaux risques : Changements de politique gouvernementale, réductions du budget de la défense, contrôles et sanctions à l’exportation, risques politiques dans les pays clients, volatilité de la politique commerciale, dépendance à l’égard des contrats gouvernementaux, retards et dépassements de coûts des projets, fiabilité des sous-traitants et des fournisseurs, menaces liées à la cybersécurité, obsolescence technologique, échecs en matière de R&D. Ces facteurs peuvent entraîner des pertes importantes, et les reprises passées peuvent ne pas se reproduire.
Lorsque le secteur de la défense britannique a conclu un accord de 10 milliards de livres sterling pour l’exportation de navires de guerre vers la Norvège en septembre, l’annonce semblait annoncer un renouveau des chantiers navals du pays, en perte de vitesse. Le gouvernement norvégien a signé un accord pour l'achat d'au moins cinq frégates de type 26 auprès de constructeurs navals britanniques, cherchant à renforcer la sécurité dans l'Arctique et l'Atlantique Nord.1
Les frégates seront principalement construites par BAE Systems, la plus grande entreprise de défense du Royaume-Uni2, les premières livraisons étant attendues en 2030. Peu de temps après, il a été rapporté que Babcock International, une autre entreprise britannique, était en pourparlers avancés pour produire des frégates de type 31 pour le Danemark et la Suède3.
Après la réduction des dépenses de défense à la fin de la guerre froide dans les années 1990, le nombre de chantiers navals britanniques a considérablement diminué4, et la capacité a également diminué dans d’autres pays occidentaux. Aujourd’hui, cependant, il se développe à nouveau au Royaume-Uni, comme aux États-Unis et dans un certain nombre d’autres pays.
Estimation par le CBO du budget total de la marine dans le cadre de ses plans pour 2024 et 2025
Milliards de dollars de 2024
Source : CBO (Congressional Budget Office), An Analysis of the Navy’s 2025 Shipbuilding Plan, janvier 2025, www.cbo.gov/publication/60732
Dans un contexte d’intensification de la concurrence géopolitique, de nombreux grands pays développent et modernisent leur marine. Ils le font alors que les routes commerciales sont menacées au Moyen-Orient et dans l’Arctique, que les câbles numériques sous-marins sont coupés en mer du Nord et que la concurrence s’intensifie pour les ressources naturelles sous-marines, notamment le pétrole, le gaz et les minerais essentiels5.
Demande croissante de navires, de sous-marins et de drones
Illustrant la reprise de l’activité de construction navale, les dépenses de défense de la marine devraient augmenter de manière significative. Sans parler des États-Unis, où il est proposé que le budget de la Marine passe de 255 milliards de dollars en 2025 à 339 milliards de dollars d'ici 2054 (en dollars américains courants de 2024).6 L'accent est mis sur les frégates et destroyers multi-missions, ainsi que sur les sous-marins avancés, les systèmes sans pilote et les navires de soutien.
La Chine développe rapidement sa marine, ce qui conduit les États-Unis, l’Australie, l’Inde et d’autres pays à réagir. Selon le service de recherche du Congrès américain, la marine chinoise devrait compter 395 navires en 2025, puis 435 en 2030.7
Comparatif de la taille des flottes navales (estimations de 2024)
Source : Département de la guerre des États-Unis, décembre 2024, Congrès des États-Unis, janvier 2025, IISS – The Military Balance 2024.
Les États-Unis réagissent notamment en repensant radicalement leur marine. Le nombre de navires devrait passer de 287 en 2025 à 291 en 2029, avant d’atteindre plus de 380 navires dans les années 2040 et 390 en 2054.8
Plan quinquennal de construction navale de l'US Navy (exercice 2025 – exercice 2029)
| Exercice 25 | Exercice 26 | Exercice 27 | Exercice 28 | Exercice 29 | Total | |
| Sous-marin lanceur d’engins de la classe Columbia (SSBN-826) | 1 | 1 | 1 | 1 | 4 | |
| Sous-marin d’attaque de classe Virginia (SSN-774) | 1 | 2 | 2 | 2 | 2 | 9 |
| Porte-avions de classe Gerald R. Ford (CVN-78) | 0 | |||||
| Destroyer de la classe Arleigh Burke (DDG-51) | 2 | 2 | 2 | 2 | 2 | 10 |
| Frégate FFG-62 | 1 | 2 | 1 | 2 | 1 | 7 |
| Navire d’assaut amphibie LHA | 1 | 1 | ||||
| Navire amphibie LPD-17 Fight II | 1 | 1 | 1 | 3 | ||
| Navire de débarquement moyen (LSM) | 1 | 1 | 2 | 2 | 2 | 8 |
| Pétrolier de classe John Lewis (TAO-205) | 2 | 1 | 2 | 1 | 6 | |
| Pétrolier ravitailleur léger (TAOL) | 1 | 1 | 1 | 3 | ||
| Navire ravitailleur de sous-marins (AS[X]) | 1 | 1 | 2 | |||
| TAGOS(X) navire de surveillance des océans | 1 | 1 | 1 | 1 | 4 | |
| TOTAL | 6 | 11 | 14 | 13 | 13 | 57 |
| Taille totale prévue de la marine | 287 | 283 | 280 | 286 | 291 | s/o |
Source : Congressional Research Service, sur la base de la présentation du budget de la marine pour 2025.
Comme dans d’autres domaines de la défense, les marines ajoutent des drones à leur équipement. Les drones maritimes sont utilisés comme multiplicateurs de force9 : Pour la surveillance, la chasse aux mines et les frappes kamikazes. Toutefois, il s’agit de compléments aux frégates et aux sous-marins plutôt que de remplacements.
Néanmoins, il convient de garder à l'esprit qu'une forte hausse de la demande comporte également des risques : par exemple, les annulations de contrats, l'apaisement des tensions géopolitiques, la redéfinition des priorités budgétaires, l'escalade des coûts des projets, les fluctuations des devises et les révocations de licences d'exportation pourraient tous réduire considérablement les volumes de commandes et les bénéfices.
Augmenter la capacité pour faire face aux nouvelles commandes
Qu’est-ce que cela signifie pour les entreprises de défense de l’Ouest qui possèdent des chantiers navals ? En bref, elles doivent augmenter rapidement leur capacité.
Prenons l'exemple de Huntington Ingalls Industries, actuellement le plus grand constructeur naval américain, l'unique constructeur de porte-avions américains10 et une position détenue dans le VanEck Defense UCITS ETF. Avec des carnets de commandes bien remplis, elle modernise ses chantiers navals, embauche des milliers de nouveaux travailleurs et automatise certains secteurs de la production11.
Au Royaume-Uni, Babcock International, une autre position de l'ETF, est en train d'agrandir et de moderniser ses chantiers navals12. Par ailleurs, le groupe de défense suédois Saab, également présent dans l’ETF, a acquis l’entreprise de formage de métaux Deform en août 2025 afin de renforcer sa chaîne d’approvisionnement en composants spécialisés utilisés dans la production de sous-marins13.
Pour nombre de ces entreprises, comme pour une grande partie de l’industrie de la défense au sens large, la croissance des carnets de commandes permet d’envisager avec plus de confiance les revenus des années à venir. En contrepartie, ils risquent d’avoir du mal à se développer suffisamment pour livrer à temps les navires et les sous-marins dont les marines ont besoin. Les pénuries de main-d’œuvre, les goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement, les pénalités pour retard de livraison, les dépassements dans les dépenses d’automatisation et les changements défavorables dans les règles de passation des marchés liés aux ESG peuvent nuire aux marges et à la performance du cours de l’action.
D’une manière générale, la vague de nouvelles commandes et l’attente d’autres commandes à venir ont fait grimper les prix des actions. La poursuite de cette évolution dépend des commandes supplémentaires attendues, malgré les contraintes budgétaires dans certains pays, et de la réussite de la montée en puissance des entreprises.
3 Navy Lookout, septembre 2025.
5 Stiftung Wissenschaft und Politik, juillet 2025.
6 Source : CBO, An Analysis of the Navy’s 2025 Shipbuilding Plan, janvier 2025.
7 Source : Congrès américain, avril 2025.
8 Source : CBO, An Analysis of the Navy’s 2025 Shipbuilding Plan, janvier 2025.
9 Équipement qui augmente de manière significative l’efficacité des moyens militaires existants sans les remplacer.
10 Source : HII, juillet 2025.
11 Source : HII, mars 2024.
12 Source : Defence Journal, septembre 2025.
13 Source : SAAB, août 2025.
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