Les valeurs de la défense deviennent-elles des investissements éthiques ?

Au cours des derniers mois, le secteur européen de la défense a été mis à l’honneur par les responsables politiques. Au Royaume-Uni, le premier ministre Rishi Sunak a annoncé fin avril qu’il mettait l’industrie de la défense du pays sur le pied de guerre, faisant écho à des propos similaires tenus par le président français Emmanuel Macron quelques semaines plus tôt.¹

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, les pays européens ont compris qu’ils devaient renforcer leurs armées et revitaliser leurs industries de défense. Dans le cas contraire, ils ne seront pas en mesure de protéger les démocraties du continent.

Ce changement de sentiment s’est accentué en 2024, les dépenses de défense des alliés européens de l’OTAN devant augmenter pour atteindre les 2 % du produit intérieur brut convenus par l’alliance. Il s’agit d’une augmentation significative par rapport au taux de 1,47 % enregistré dix ans plus tôt, en 2014.

Dépenses de défense en pourcentage du PIB de l'OTAN total et de l'OTAN Europe

La moralité de l’investissement

Ce changement de cap a entraîné une hausse substantielle du prix des actions des valeurs de défense, comme l’illustre l’augmentation d’environ 50 % du prix du VanEck Defense UCITS ETF depuis son lancement en mars 2023. De plus, elle s’est accompagnée d’un comportement décomplexé en ce qui concerne les investissements dans les actions des valeurs de défense. Il convient de noter que les performances passées ne garantissent pas les rendements futurs et que les investisseurs dans le VanEck Defense UCITS ETF courent le risque de perte en capital, le risque du marché des actions et le risque de concentration sectorielle.

Ce comportement décomplexé n'a jamais été aussi clair que dans la déclaration conjointe du ministère britannique des finances et de l’organisme britannique de gestion des actifs, l’Investment Association. « Les investissements dans les entreprises de défense contribuent à notre sécurité nationale et défendent les libertés civiles dont nous jouissons tous, tout en offrant des rendements sur le long terme aux fonds de pension et aux investisseurs individuels », ont-ils déclaré.

Cela va à l’encontre de l’ancien concept environnemental, social et de gouvernance (ESG), selon lequel toute entreprise fabriquant des armes était mauvaise et ne devait pas faire l’objet d’un investissement. Cependant, les temps changent et il semble que certaines personnes changent d’avis.

Cela dit, certains grands investisseurs institutionnels, tels que les fonds de pension, restent réticents à investir dans la défense. Cela peut s’expliquer par la crainte d’enfreindre la réglementation de l’Union européenne sur la notion de « durabilité », ainsi que par des inquiétudes quant à leur réputation.

« Si les responsables politiques souhaitent réussir à lever bien plus de capitaux auprès des investisseurs privés, d’autres mesures ciblées seront probablement nécessaires au sein de l’UE et du Danemark pour que les investissements soient mieux compris et acceptés », a récemment déclaré Thomas Vile Jensen, directeur adjoint d’Insurance & Pension Denmark, cité par IPE.com.²

Des avis mitigés

Il est certain que l’industrie militaire exerce une pression sur les fonds de pension. « Les objectifs de l'ESG n’ont jamais été de nous enlever nos moyens de défense. Je ne vois pas ce qu’il y a de contraire à l’éthique dans l’autodéfense », a déclaré Rob Bauer, président du comité militaire de l’OTAN, lors du séminaire du printemps 2024 sur les fonds de pension à l'Institute for Pension Education de l’IVP.

Les hommes politiques et les militaires sont désireux de libérer des capitaux pour investir dans l’expansion de la base industrielle de défense de l’Europe, au cas où le continent aurait besoin de se défendre à un moment donné et de dissuader toute agression. De plus, ils reconnaissent qu’un investissement plus important dans les actions des entreprises de défense réduirait le coût de son capital.

De toute évidence, le débat sur la question de savoir si les entreprises de défense peuvent être considérées comme des investissements éthiques – ou du moins non contraires à l’éthique – est en train de changer. L'avis de certains reste particulièrement tranché : Les entreprises qui fabriquent des armes pour tuer ne seront jamais des investissements acceptables. D’autres, cependant, ont des avis plus mitigés et il semblerait que les valeurs de défense soient susceptibles de devenir de plus en plus durables.